Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site
Dossier : Agir pour l'emploi
Dossier : Agir pour l'emploi

Initiatives pour l'emploi dans le Nord


Emplois à Lille…

Le problème de l’emploi n’est pas nouveau pour l’agglomération lilloise. Depuis trente ans, on a assisté à la fermeture des mines et des usines textiles. Aujourd’hui, la région n’a pas achevé sa mutation économique, avec les délocalisations. L’année dernière, Metaleurop annonçait son départ de la région de Dunkerque. Dans ce contexte, la stratégie de Pierre Mauroy fut toujours d’obtenir un consensus qui rassemble l’agglomération, la communauté urbaine et la région. Même si les disparités entre les territoires sont fortes (la plus petite commune a 178 habitants, la plus grande 180 000), l’essentiel de la pauvreté se concentre à Lille, Roubaix et Tourcoing.

Le premier levier d’action fut la mise en route des projets-phares qui redonnent une image positive à l’agglomération. Cela supposait d’abord la requalification des centres-villes. Alors que la Sncf y était opposée, la Communauté urbaine a subventionné l’arrivée du Tgv au cœur de la métropole lilloise, faisant de l’agglomération une plaque tournante des communications entre Bruxelles, les Pays-Bas, Londres et la région parisienne. Le deuxième pari a été la reconversion de friches industrielles. Aujourd’hui, s’ouvre, à Roubaix, une maison « Folie », à l’endroit même où l’on conditionnait et l’on pesait les textiles. On a utilisé l’outil des zones franches pour attirer les entreprises, comme McArthur Glenn. Cette même dynamique a permis de construire le moteur tertiaire d’échanges d’Euralille.

Avec persévérance, une concertation a été organisée entre acteurs économiques et politiques : la chambre de commerce, le conseil de développement régional (constitué au moment de la candidature de Lille aux Jeux olympiques), etc. Une logique de consensus identique, au sein de la communauté urbaine a prévalu pour faire aboutir le projet « Lille, capitale européenne de la culture 2004 ».

Ces projets dynamisent la vie économique. Mais ils incluent aussi des leviers spécifiques pour l’emploi, par exemple en introduisant des clauses d’insertion dans les aides aux entreprises. Euralille a ainsi bénéficié de contrats aidés pour l’espace commercial. Le risque existe toujours, cependant, d’une coupure entre les aménageurs et ceux qui s’occupent de l’insertion. Du côté de l’économie sociale et solidaire, une impulsion est donnée à la reprise d’entreprises par les salariés dans le cadre de Scoop, grâce à un accompagnement et des fonds d’investissement émanant des collectivités locales. À Lille, le PLIE en est à sa troisième édition et demeure un des outils principaux pour l’emploi : conjuguant aide à la qualification des personnes et aux embauches, il permet de dépasser les réserves des entreprises face aux chômeurs. Enfin, pour suivre ces dispositifs, un nouvel observatoire économique a été créé, l’agence régionale de développement.

Malgré un réel dynamisme, on peut s’interroger sur quelques limites de vingt ans de politique de l’emploi. Du côté des plus jeunes, il est clair que leurs ambitions professionnelles ne se satisfont plus de contrats aidés ou précaires ; ils attendent davantage un accès direct à l’emploi. D’où un ras-le-bol qui se manifeste vis-à-vis des missions locales. Le recours aux dispositifs publics connaît des tensions réelles : ils ne cessent pas de se modifier, et nécessitent aussi une ingénierie financière très lourde. On peut déplorer une sorte de déséquilibre entre la phase préparatoire, dans laquelle on monte des dossiers pour utiliser ces dispositifs en essayant de contrer les effets d’aubaine, et la phase de mise en œuvre dans laquelle les moyens de contrôle font souvent défaut. De plus, le troc entre instances politiques et acteurs économiques dans cette mise en œuvre ne favorise pas la transparence des liens et encourage parfois des échanges qui n’auraient pas lieu d’être.

…Et à Valenciennes

L’arrondissement de Valenciennes, dans le département du Nord, a été, durant les vingt dernières années, l’un des plus sinistrés de France en termes de chômage, à la suite de la fermeture des mines de charbon dans les années 60-70, puis des usines sidérurgiques dans les années 1980. Aucun autre bassin industriel de la France n’a connu le cumul de ces deux régressions : cette conjonction a conduit à un taux de chômage de 22,7 % en 1997. Une partie importante des jeunes qui arrivent aujourd’hui sur le marché de l’emploi n’ont jamais vu leur père ni leur grand-père travailler.

La collectivité, jusqu’au milieu des années 90, n’avait pas pleinement pris conscience de la gravité de la situation. En effet, l’arrondissement de Valenciennes, partie du Département du Nord, ne constituant pas une unité statistique, la réalité spécifique du Valenciennois ne pouvait être perçue en tant que telle. Toutefois, en 1995, l’arrondissement a pu être inscrit par l’Union européenne, en même temps que le Hainaut belge, parmi les zones relevant du fonds européen de développement régional (FEDER) Objectif 1, qui a permis l’attribution d’aides pouvant aller jusqu’à 80 % pour les investissements publics ou le développement des entreprises.

Pour redévelopper l’emploi, tout a été mis en œuvre pour attirer les entreprises dans le Valenciennois et les accueillir le mieux possible dans le cadre d’un partenariat associant tous les acteurs de l’arrondissement. Ainsi, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Valenciennes a monté un service de prospection d’entreprises et de création de zones d’activités. Ce service, sillonnant le monde à la recherche d’entreprises susceptibles de venir dans la région, a été informé de la volonté des dirigeants de Toyota de chercher une implantation européenne. Si le dossier de Valenciennes a été reconnu comme le meilleur par Toyota, c’est grâce à une forte mobilisation des acteurs locaux, à un travail commun entre la CCI, l’association des communes de l’arrondissement, les services de l’Etat, à un partenariat solide grâce auquel Toyota n’avait qu’un seul interlocuteur. Cette méthode sert désormais pour tout accueil d’entreprise nouvelle : les services de l’Etat, les collectivités locales et les organismes consulaires ne parlant que d’une seule voix dans le cadre d’un travail conjoint qui permet de faire très vite aux entreprises candidates des propositions concrètes en termes de financement et de calendrier : Toyota, suivie en 2001 par Daimler, reste le symbole d’une inversion de tendance de la situation économique.

Les liens entre l’université et les entreprises offrent un autre levier pour stabiliser l’implantation des unités industrielles dans l’arrondissement : c’est en particulier le cas dans le domaine des transports : plusieurs laboratoires de recherche et un centre d’essais ferroviaires sont présents à Valenciennes.

Cependant, l’accueil d’entreprises ne suffit pas seul à créer de l’emploi. Le taux de chômage est aujourd’hui encore de 14,7 % dans le bassin d’emploi de Valenciennes, même si l’écart avec le taux national s’est réduit de 8 à 5 %. Mais les populations restant au chômage retrouveront plus difficilement un emploi en raison de l’ancienneté de leur situation et de ses conséquences pour l’individu : absence de formation, degré important d’alcoolisme, problèmes de santé, instabilité des situations familiales…

Ainsi, lorsque Toyota a voulu recruter, alors que ses services n’exigeaient pas de compétences particulières à l’embauche, des candidats confrontés à la difficulté d’envisager un changement de vie renonçaient à passer tous les tests de recrutement. 54 % des postes proposés n’ont pas pu être pourvus par des personnes originaires de l’arrondissement de Valenciennes.

Compte tenu de ce profond éloignement de l’emploi d’une partie de la population, il fallait trouver d’autres moyens de leur permettre de retrouver une activité : ce furent les contrats emploi-solidarité puis les plans locaux d’insertion pour l’emploi (PLIE) mis en place en 2001 et 2003, dont la réussite a été favorisée par une meilleure conjoncture en 2001, puis en 2003, la création de deux entreprises d’insertion par l’économique.

Une autre limite à ce retour de l’emploi est liée au contexte économique : depuis septembre 2003, trois groupes industriels étrangers ont décidé la fermeture de leur usine dans le Valenciennois, entraînant près de 500 licenciements, disparitions d’emplois auxquelles correspondent, heureusement encore, de nouvelles créations.

D’où la nécessité d’une dynamique permanente et d’une mobilisation de tous les partenaires pour ne pas perdre le bénéfice des mesures qui avaient inversé la tendance.
Projet


J'achète Le numéro !
Dossier : Agir pour l'emploi
Je m'abonne dès 3.90 € / mois
Abonnez vous pour avoir accès au numéro
Les plus lus

Les Marocains dans le monde

En ce qui concerne les Marocains, peut-on parler de diaspora ?On assiste à une mondialisation de plus en plus importante de la migration marocaine. On compte plus de 1,8 million de Marocains inscrits dans des consulats à l’étranger. Ils résident tout d’abord dans les pays autrefois liés avec le Maroc par des accords de main-d’œuvre (la France, la Belgique, les Pays-Bas), mais désormais aussi, dans les pays pétroliers, dans les nouveaux pays d’immigration de la façade méditerranéenne (Italie et ...

L’homme et Dieu face à la violence dans la Bible

Faut-il expurger la Bible ou y lire l'histoire d'une Alliance qui ne passe pas à côté de la violence des hommes ? Les chrétiens sont souvent gênés par les pages violentes des deux Testaments de la Bible. Regardons la Bible telle qu’elle est : un livre à l’image de la vie, plein de contradictions et d’inconséquences, d’avancées et de reflux, plein de violence aussi, qui semble prendre un malin plaisir à multiplier les images de Dieu, sans craindre de le mêler à la violence des...

Aux origines du patriarcat

On entend parfois que le patriarcat serait né au Néolithique, près de 5 000 ans avant notre ère. Avant cela, les femmes auraient été libres et puissantes. Les données archéologiques mettent en doute cette théorie. De très nombreux auteurs, de ce siècle comme des précédents, attribuent la domination des hommes sur les femmes à l’essor de l’agriculture, lors du Néolithique. Cette idée est largement reprise dans les médias, qui p...

Du même dossier

Ouverture

Agir pour l’emploi ? Ce titre est-il seulement de l’ordre de l’incantation ? Les gouvernements successifs inscrivent cette priorité à leur programme, mais le pays assiste, désabusé, aux restructurations industrielles qui se poursuivent. Chaque semaine connaît sa liste d’usines fermées, délocalisées… « On a tout essayé », avouait François Mitterrand. Il faudra pourtant créer des millions d’emplois pour compenser l’évolution démographique et la poursuite des restructurations qui atteindront d’aut...

Territoires de l'emploi

Resumé Régions et agglomérations se mobilisent. Reste à l’état à devenir le garant de l’efficacité et de la transparence de cet engagement L’implication des territoires, – régions, départements, communautés d’agglomération – constitue aujourd’hui un des maillons essentiels de la politique de l’emploi. Depuis les années 80, l’action publique a changé d’orientation : destinée auparavant à accompagner la croissance et à diminuer les inégalités d’accès à l’emploi, elle est devenue réparatrice. Dans ...

Choisir l'emploi, le débat entre acteurs

Resumé Syndicalistes, entreprises, responsables de la mise en œuvre des politiques: trois diagnostics, trois visions des priorités. Projet – Nous sommes passés en quelques années de la promesse du plein emploi à un pessimisme noir sur la situation du marché du travail. Qu’est-il arrivé pour que la France reste le plus mauvais, ou presque, de la classe européenne?Catherine Barbaroux – Après avoir diminué de façon significative de près de 4 points en 4 ans, le chômage a recommencé à croître en Fra...

Du même auteur

La décroissance : le chemin vers la sobriété ?

Soirée débat. La décroissance : le chemin vers la sobriété ?Mardi 6 décembre 2022 à 18h30, 11 Rue Biscornet, 75012 Paris, FranceRendez-vous le mardi 6 décembre à 18h30 chez Makesense dans le cadre de la clôture de notre cycle de conférence intitulé "Pensez autrement la place de l'économie", pour explorer les réflexions de Timothée Parrique sur le sujet !« La décroissance c’est un appauvrissement généralisé »« La décroissance ? Revenir à l’âge de pierre ? »« La décroissance, un antimodernisme ! ...

Repenser les inégalités face au défi écologique

Lutter contre les inégalités est le leitmotiv de bien des mobilisations. Mais la finitude de notre planète oblige à renouveler la réflexion. Une tâche à laquelle s’est attelé, avec la Revue Projet, un groupe d’associations, syndicats et chercheurs de sensibilités variées. D'où un texte fort, qui refuse d’opposer enjeux sociaux et environnementaux et qui inspire le colloque « Réduire les inégalités, une exigence écologique et sociale » (16 au 18 fév. 2017). Notre monde doit faire face simultanéme...

Inégalités monétaires : quelques repères

Multiples sont les visages de l’inégalité. Ainsi l’espérance de vie est de 50 ans en Sierra Leone contre 82 ans en France. Si l’on s’en tient aux inégalités monétaires :Une tendance au resserrement des inégalités entre paysDe très grandes disparités persistent entre pays, si l’on s’attache au Pib moyen par habitant en 2015 : de 270 $ environ au Burundi à 100 000 $ au Luxembourg (en dollars US courants) ; de 600 $ pour un Centrafricain à 140 000 $ pour un Qatari, si l’on tient compte du coût de ...

Vous devez être connecté pour commenter cet article
Aucun commentaire, soyez le premier à réagir !
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules