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Dossier : Agir pour l'emploi
Dossier : Agir pour l'emploi

Choisir l'emploi, le débat entre acteurs


Resumé Syndicalistes, entreprises, responsables de la mise en œuvre des politiques: trois diagnostics, trois visions des priorités.

Projet – Nous sommes passés en quelques années de la promesse du plein emploi à un pessimisme noir sur la situation du marché du travail. Qu’est-il arrivé pour que la France reste le plus mauvais, ou presque, de la classe européenne?

Catherine Barbaroux – Après avoir diminué de façon significative de près de 4 points en 4 ans, le chômage a recommencé à croître en France depuis la mi-2001. Il est passé d’un minimum de 8,6 % en 2001 à 9,7 % fin septembre 2003. Durant cette période, il a crû un peu plus vite en France que dans les autres pays : ainsi, d’août 2002 à août 2003, il a augmenté de 0,5 point en France contre 0,3 point en moyenne dans l’Union européenne, l’Allemagne ayant connu une augmentation de 0,7 point. Le taux de chômage français reste aujourd’hui supérieur de 1,4 points à la moyenne de l’Union européenne, derrière l’Espagne et au même niveau que l’Allemagne.

Mais les conditions d’une nouvelle baisse sont aujourd’hui réunies. Le gouvernement s’emploie à déployer une stratégie qui devrait porter ses fruits et devrait être favorisée dans un proche avenir par la reprise qui s’annonce outre-atlantique. Il n’y a pas de décrue du chômage sans croissance. Mais il faut aussi que la croissance profite à ceux qui sont éloignés de l’emploi car une économie et une société où il y a une polarisation du marché du travail sont moins efficaces.

Les institutions et les interventions publiques et collectives en matière d’emploi et de formation doivent veiller à combiner toutes les voies nécessaires pour dynamiser la création d’emploi, accompagner les personnes sans emploi, assurer au mieux des trajectoires sécurisées (CDI sans charges pour les jeunes) en ayant le souci du développement des qualifications. Cette stratégie, plus facile à défendre pendant les années où la croissance est soutenue, doit aussi guider nos choix quand la conjoncture s’affaisse.

Au cœur de cette stratégie d’une croissance durable indispensable à la dynamique de l’emploi, il y a les questions de la mobilisation, de la valorisation et de l’investissement dans les ressources humaines, des capacités d’anticipation et d’adaptation des entreprises et des actifs, de la cohésion sociale, de la concurrence, des activités et des métiers et des technologies auxquels il convient de s’adapter. Toutes les réformes en cours, qu’il s’agisse du Service public de l’emploi (mission Marimbert), de la formation professionnelle (accord « historique » des partenaires sociaux), de l’adaptation de la gamme d’outils (CIVIS, CIE, RMA…), vont dans ce sens.

Christian Larose – Les promesses de plein emploi sont souvent faites par les hommes politiques et rarement par les patrons. Les syndicats savent, de leur côté, que ce sont des promesses difficiles à tenir parce que le plein emploi est lié étroitement à la croissance du pays. Bon nombre des initiatives annoncées par les gouvernements successifs pour stimuler l’emploi : allègements de charges sur les 35 heures, le Smic, les emplois jeunes etc. ont montré leur inefficacité et se sont ajoutées aux gâchis de toute nature.

Le plein emploi est étroitement lié à la volonté de construire une politique industrielle forte, au développement des marchés et de la compétitivité, à la qualification des personnels, à leur motivation, à la sécurisation des parcours professionnels (sécurité sociale professionnelle), à l’évolution possible des carrières et des salaires.

Aujourd’hui, les aspects de communication politique prennent le pas sur les réalisations concrètes. Le gouvernement Raffarin prodigue de « beaux discours » suivis de peu d’effets. La classe politique ne vit que pour le court terme, mais les chiffres sont têtus, ceux du chômage en particulier. En même temps l’emploi régresse fortement dans certains secteurs industriels très concurrencés par la mondialisation. Je crois sincèrement que, pour mettre en place une politique de l’emploi durable, il faut réfléchir sur l’anticipation nécessaire en cas de plan social, sur l’efficacité actuelle des cellules de reclassement qui coûtent cher et reclassent peu, ce qui demande de mettre en place une labellisation et de payer les cellules en fonction des résultats.

Les restructurations entraînent des dévalorisations qui affectent lourdement des pans entiers du système productif, des régions et surtout des catégories fragiles. Une diffusion généralisée de la précarité, de l’incertitude gagne aujourd’hui toutes les catégories de salariés. Le passage des emplois perdus aux éventuels emplois retrouvés met en débat l’évolution du contrat de travail, donc du statut du salarié, les mécanismes de sélectivité à l’entrée des emplois, le rôle de la formation, les trajectoires de mobilité des salariés et les dynamiques de création d’emplois, les modes de développement des territoires. Le problème n’est pas seulement la réparation des sinistres mais la nécessité qu’un territoire s’organise pour favoriser un flux permanent d’activités et d’emplois. Anticiper n’est pas seulement prévoir mais organiser, imaginer, vouloir, ouvrir d’autres possibilités, croiser le travail des syndicats, des élus politiques, des pouvoirs publics, des cellules de reclassement et des Anpe.

Dans la négociation engagée avec le Medef sur les mutations industrielles et les restructurations, le patronat « amuse la galerie » et joue la montre. Ce sont là les attitudes symptomatiques du manque de volonté de la part du Medef de résoudre les problèmes posés.

Nous sommes le pays européen qui a le bonnet d’âne dans le domaine du dialogue social, il ne faut pas alors s’étonner si les indicateurs principaux sont au rouge.

Michel de Virville – Le jugement porté sur la France me semble excessif. Mais surtout, il risque de mal situer les enjeux. Depuis trois décennies, le marché du travail français a absorbé une forte croissance de l’emploi féminin ainsi que des entrées nombreuses de jeunes alors que les départs en retraite étaient moins nombreux.

La croissance régulière de l’emploi a ainsi permis largement de faire face à ces deux « demandes d’emploi », alors même que cette croissance s’accompagnait d’un progrès continu dans la productivité du travail qui avait bien sûr pour conséquence apparente de la limiter. Conséquence apparente et arithmétique car, faut-il le souligner, sans productivité la création d’emploi aurait été beaucoup moins forte. Il faut cependant noter que ceci s’est accompagné d’une entrée en activité beaucoup plus lente des jeunes et par la croissance du chômage pour les moins qualifiés d’entre eux, ce qui est un vrai handicap pour ce pays. Ainsi, le dynamisme démographique et le changement profond de l’emploi féminin qui caractérisent la France expliquent le classement de notre pays dans la hiérarchie des pays européens en matière de chômage.

A l’avenir, l’équilibre démographique va profondément se modifier avec moins d’entrées de jeunes, des départs en retraites plus nombreux et une croissance de l’activité féminine qui devrait être plus faible, le processus étant largement arrivé à son terme. Les besoins d’emplois seront donc moins nombreux. En revanche, la productivité du travail va, fort heureusement, continuer de progresser. Mais aussi, la délocalisation d’activités vers des pays à bas coût de main-d’œuvre, qui était restée longtemps plus une crainte qu’une réalité s’intensifie. Au-delà des emplois non qualifiés, elle concerne maintenant parfois des emplois plus qualifiés.

Il y a donc à la fois des raisons de craindre et d’espérer. Mais il faut surtout souligner que le niveau de chômage n’est pas la simple résultante d’un équilibre quantitatif entre offre et demande d’emplois. Par exemple, saurons-nous transformer la demande des seniors qui va occuper une place croissante dans la demande nationale en des activités créatrices d’emploi enracinées dans le périmètre national et susceptibles de répondre aux compétences locales ? Saurons-nous, avec des entrées de jeunes moindres sur le marché du travail, faire face à la croissance rapide des compétences exigées par l’activité restant localisée en France ? Nous sommes de ce point de vue privilégiés puisque, avec 16 % seulement de la population, nous représentons 66 % des naissances d’où l’importance de réunir nos politiques d’intégration et de formation.

Projet – Les politiques de l’emploi semblent à bout de souffle : le bilan des 35 heures est contesté, les baisses de charges sociales ont peut-être épuisé leurs effets et le marché du travail est déjà largement « flexible ». Quelles sont les nouvelles pistes de réflexion et d’action pour les acteurs publics mais aussi les entreprises ?

Catherine Barbaroux – Les politiques globales de création d’emploi, accompagnant la croissance, quand elles passent par la RTT, peuvent créer de l’emploi mais peuvent créer aussi des inégalités et des rigidités. Le gouvernement a souhaité les assouplir. Les politiques d’allègement de charges sociales devraient conduire à soutenir les créations d’emploi permettant de mieux insérer les salariés les moins qualifiés. Mais ces leviers économiques, bien que nécessaires, ne suffisent pas. Ils doivent être complétés par des interventions au plus près des demandeurs d’emploi et de la réalité des comportements de gestion d’emploi des entreprises.

L’accompagnement des demandeurs d’emploi s’est sensiblement renforcé ces dernières années après la convention d’assurance chômage signée par les partenaires sociaux, avec la généralisation des entretiens « projet d’action personnalisée » (PAP-ND : plus de 500 000 entretiens PAP sont réalisés chaque mois) et ces efforts doivent être poursuivis pour répondre avec discernement aux situations des travailleurs et aux besoins des entreprises. Il faut ainsi répondre aux attentes des demandeurs d’emploi et soutenir leur insertion dans l’emploi en privilégiant le secteur marchand chaque fois que cela est possible.

A l’horizon de quelques années, les évolutions démographiques importantes font du maintien dans l’emploi des salariés expérimentés un enjeu important pour notre économie. Ceci est d’ailleurs, au niveau européen, un objectif des conclusions des conseils de Lisbonne et de Stockholm. La réforme des retraites contribuera à cette stratégie, mais il faut également transformer les conditions de travail des salariés concernés et leur donner accès à une formation adaptée à leur situation qui leur permettra d’assurer leur place dans l’emploi dans leur seconde partie de carrière. Il me semble qu’une prise de conscience de ces enjeux est aujourd’hui en cours.

Les politiques d’emploi doivent aussi s’attaquer à la situation paradoxale où coexistent un chômage élevé et des difficultés ressenties par les entreprises pour recruter leur personnel. Ces difficultés de recrutement, particulièrement importantes de 1999 à 2001, n’ont pas disparu aujourd’hui, notamment dans les secteurs de la santé et de l’aide à la personne, du bâtiment ou de la restauration. A l’avenir, elles deviendront un enjeu encore plus important lorsque la situation économique se redressera et lorsque l’augmentation du nombre de départs à la retraite obligera les entreprises à renouveler leur main-d’œuvre. Le gouvernement s’est d’ores et déjà fixé l’objectif de diminuer en 2004 de 100 000 le nombre d’offres d’emploi durablement non pourvues par une action sur l’offre de formation et l’utilisation d’une large gamme d’outils.

Christian Larose – Les mesures prises pour l’emploi sont à bout de souffle parce qu’elles manquent d’objectifs, de contenu et de cohérence. Les baisses de charges en sont une illustration vivante. Le principe du « guichet unique » où tout le monde se sert sur les fonds publics sans avoir de compte à rendre à personne ne peut qu’engendrer les résultats que l’on connaît. L’abrogation d’une partie de la loi de modernisation sociale, et notamment la loi Hue, a renforcé encore les faiblesses des mesures annoncées. En outre, il n’y a pas de regard particulier pour dynamiser l’emploi dans les PME.

Le libéralisme à tout-va produit des effets désastreux en matière d’emploi, les actionnaires veulent pouvoir licencier toujours plus vite. L’emploi est fragile, il a besoin d’être consolidé, protégé. Il est utile par exemple de légiférer sur les licenciements, quand on sait que 85 % des salariés licenciés n’ont pas droit à un plan social. Il faut arrêter d’autres positions sur les délocalisations, les dépôts de bilan, les cessions industrielles sauvages et s’appuyer sur les accords de formation signés par toutes les centrales pour tendre vers des formations de longue durée sur des métiers choisis par les salariés.

En matière de licenciement, on ne peut pas imposer aux salariés les mêmes procédures réglementaires quand il s’agit d’une fermeture de PME, exsangue financièrement ou quand il s’agit d’un groupe qui gagne de l’argent mais qui délocalise et qui licencie, ou encore qui cède des unités industrielles à des « repreneurs » pour transférer les plans sociaux.

Notre pays a besoin davantage de démocratie sociale, cela passe donc par des droits nouveaux, bien au-delà des seuls représentants des organisations syndicales dans les conseils d’administration. Un droit de veto pour les CE (suspensif de décisions annoncées) devrait permettre d’avoir un dialogue sur les alternatives en cas de restructurations. Il faut cependant que le patronat accepte que le dialogue social aille jusqu’à la possibilité de remettre en cause les décisions prises par la direction de l’entreprise en termes d’emploi et d’orientation industrielle. Avant de gérer les conséquences, il s’agit d’être en accord sur les diagnostics et sur les décisions à prendre. Les syndicats ne peuvent pas se contenter d’une politique de réparation qui au bout du compte jette les salariés au chômage vers l’exclusion, et les mènent parfois à la dépression ou au suicide. Les justifications des décisions économiques méritent d’être discutées plus amplement.

Il ne s’agit pas de remettre en cause le pouvoir de décision des dirigeants d’entreprise mais d’échanger pour trouver les meilleures solutions pour l’emploi et l’entreprise en se donnant davantage de temps, en prenant les problèmes plus en amont.

Michel de Virville – Ma conviction c’est que dans les années qui viennent, les politiques de l’emploi doivent d’abord viser à éviter que se creuse l’écart entre le profil des emplois offerts et celui des personnes à la recherche d’emploi.

Il s’agit d’agir à la fois sur l’offre et la demande d’emploi. Le risque étant de constater en même temps, des pénuries de candidats pour certains emplois et des situations de chômage prolongé et d’exclusion pour d’autres. Saurons-nous, par exemple, préparer et convaincre des jeunes de travailler demain dans des activités comme le bâtiment, la construction ou la réparation automobile, alors même que dès maintenant les recrutements n’y sont pas toujours faciles ? Saurons-nous préparer à temps la majeure partie des informaticiens en troisième tiers de carrière aux caractéristiques très nouvelles de l’internet et de l’intranet ? Saurons-nous plus généralement trouver les compromis permettant de conserver suffisamment longtemps des emplois peu ou pas qualifiés ou de qualifications plus traditionnelles qui sont indispensables pour donner le temps à ceux dont les compétences sont désajustées, de conduire les adaptations nécessaires ? Saurons-nous également dépasser la dualité entre CDI et emploi précaire qui bipolarise si durement le marché du travail français.

Ces compromis sont indispensables aussi pour que les exclus puissent retrouver le chemin de l’emploi, ce que la formation à elle seule ne permet pas. C’est là que la politique d’allègement des charges ou d’emploi aidé, celle de l’indemnisation et de la formation des chômeurs conservent toute leur place.

La question essentielle n’est-elle pas celle de notre capacité à gouverner ces dispositifs, à les aligner sur les besoins de l’économie publique et privée, à assurer leur qualité et leur efficacité, à en faire des outils personnalisés malgré les volumes d’actions concernés ?

Projet – La formation professionnelle est considérée comme un moyen de sauver l’emploi européen. Pourra-t-elle contrebalancer l’élévation rapide des qualifications dans les pays du Sud et de l’Est, dont il faut se réjouir – une évolution plus importante que le débat sur le coût du travail ? Doit-on penser seulement aux emplois plus qualifiés, n’y a-t-il pas un gisement dans les services de proximité ?

Catherine Barbaroux – L’Europe s’est fixé des objectifs ambitieux ; le conseil de Lisbonne de mars 2000 prévoyait que d’ici 2010 les Européens vivront dans l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde. Cet objectif nécessite d’accorder une plus grande priorité aux réformes de l’éducation et de la formation. L’augmentation escomptée des emplois à forte intensité cognitive plaide en faveur d’une poursuite de la politique de relèvement du niveau général d’éducation et d’un véritable accès à la formation tout au long de la vie pour adapter et améliorer qualifications et compétences. Il subsistera toutefois aussi une importante demande de personnes moins qualifiées dans les services et la fabrication. A horizon 2010, les futures pénuries de main-d’œuvre risquent d’être tout aussi aiguës à la base de l’échelle des qualifications qu’à son sommet.

Les travaux conduits en matière de prospective des métiers et des emplois permettent de mieux cerner les familles professionnelles où risquent à l’avenir de se concentrer les besoins de recrutement. Pour les métiers de l’agriculture et des industries légères, la baisse de l’emploi se poursuivrait et correspondrait aux départs à la retraite. Pour les informaticiens, les métiers de la communication ou de la recherche, il s’agit de métiers jeunes dont le développement sera important : peu de départs à la retraite et des perspectives de recrutements importants. Un troisième groupe rassemble des secteurs en croissance sensible de l’emploi et des départs à la retraite importants : services aux personnes, commerces, hôtels, cafés restaurants, métiers de la gestion, métiers de la santé. C’est là qu’une reprise économique aura les effets les plus sensibles en matière de difficultés de recrutement. Dans les métiers industriels et la construction, les prévisions de croissance sont assez faibles, il s’agira d’un marché de renouvellement avec des tensions pour certains personnels qualifiés. Les administrations, l’enseignement, les banques et assurances connaîtront des départs massifs à la retraite pendant que leurs effectifs resteront relativement stables.

Aujourd’hui le chômage touche beaucoup plus fortement les moins qualifiés, il varie du simple au triple entre les plus diplômés et les moins diplômés. L’accès à la qualification constitue à tous les âges une assurance face aux risques de chômage, d’où l’importance de l’accord signé par les partenaires sociaux. D’où la nécessité aussi de donner corps à la «seconde chance» sous forme d’un droit de tirage à la formation qualifiante différée.

Christian Larose – La formation professionnelle est sûrement un moyen de sauver des emplois à condition d’activer la formation dès l’entrée du salarié dans l’entreprise et pas seulement au moment où il est licencié. Ne faut-il pas à ce sujet réfléchir à une taxation des licenciements boursiers et à une mutualisation de fonds pour venir en aide aux salariés qui n’ont pas droit à un plan social.

Les avantages comparatifs (coût du salaire très bas) de certains pays du Sud ou des pays de l’Est ne seront pas durables, ils sont circonstanciels. Des pays émergents comme la Chine se chargeront de les faire tomber. Les mutations industrielles nationales doivent s’appréhender avec la dimension européenne. Il faut faire en sorte que l’économique et l’environnementale soient pensés en même temps que la politique sociale.

Le débat sur le coût du travail a ses limites, la carte des délocalisations tourne au gré des occasions. La France et l’Europe doivent s’attacher à définir des règles qui s’appliquent à tous. La compétitivité par l’abaissement des coûts salariaux creuse l’appauvrissement au plan des qualifications. La compétitivité passe par l’investissement, la recherche de nouveaux produits, par l’élévation des qualifications. L’Etat a un rôle à jouer face aux restructurations. Il doit savoir prendre de la distance pour remettre continuellement en perspective les situations et les solutions, pour se donner le temps et les moyens de la critique, de la correction et de la régulation, mais aussi pour donner du sens dans un monde en bouleversements ou les individus peuvent perdre leurs repères.

Certes, il existe des gisements dans les services de proximité, ne faut-il pas à ce sujet tenter d’installer des passerelles entres les secteurs sinistrés qui perdent de l’emploi et ceux qui aujourd’hui en manquent. C’est une réflexion que la section du travail du Conseil économique et social va entamer dès le début de 2004.

Michel de Virville – La formation professionnelle est effectivement un ingrédient indispensable pour faire face aux défis que nous venons d’évoquer. Encore est-il indispensable de bien comprendre que la transmission des compétences – car c’est de cela qu’il s’agit – se fait par des actions de formations formelles, hors de l’activité, mais aussi par des formations en cours d’activité et aussi dans l’exercice même de cette activité ; l’organisation du travail, celle des mobilités et des orientations professionnelles est donc un levier au même titre que l’organisation de la formation proprement dite.

Cette « formation des compétences » est cruciale à plusieurs titres.

- Les compétences professionnelles et techniques n’ont leur plein potentiel de création d’activité et d’emploi que si elles s’accompagnent de compétences managériales que la formation au long de la vie doit d’autant plus promouvoir que ces compétences sont peu développées initialement.

- La vitesse d’évolution des meilleures pratiques professionnelles et techniques va continuer d’être rapide sous l’effet de la concurrence, elle-même avivée par la vitesse et l’élargissement de la dissémination de l’information.

Le droit individuel à la formation, instauré par le récent accord interprofessionnel peut, avec le concours de tous, constituer un puissant stimulant pour les entreprises et leurs dirigeants, mais aussi pour les salariés pour que cette « formation des compétences » s’accélère et s’approfondisse au service non seulement de ceux qui ont déjà des compétences mais aussi de ceux que leurs carences en la matière mettent en risque. Il est vrai que nos compétences seront de plus en plus en concurrence avec celles des pays dont le niveau de rémunération est inférieur, mais dont le niveau d’éducation et de formation est élevé. Pour autant, ne faut-il pas convenir que nous disposons pour l’instant encore de nombreux avantages par rapport à ceux-ci dans la maîtrise de l’activité économique et des compétences associées ? Les pays de l’Est, par exemple, vont connaître un effondrement démographique qui limitera leur capacité à concurrencer nos compétences.

A nous de savoir progresser suffisamment vite pour que cette concurrence soit stimulante et non destructrice. La coopération avec ces pays pouvant aussi constituer pour nous un champ important de développement de notre activité.


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