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Dossier : Une société d'individus

Syndicalisme et individualisme


Resumé On invoque la fin du salariat et l’individualisation des conditions de travail pour expliquer la crise de l’engagement collectif et du syndicalisme. Mais un nouveau militantisme apparaît, plus divers, plus contractuel. Et ce sont aussi bien les organisations qui se sont enfermées dans des logiques d’appareil.

Depuis un quart de siècle, le syndicalisme connaît un reflux sensible. En France, ce mode d’association volontaire, structurée sur une base professionnelle, pour la défense d’intérêts communs, a perdu plus de la moitié de ses adhérents : ils sont moins de deux millions aujourd’hui, toutes organisations confondues. Les élections professionnelles traduisent également ce déclin à travers une carence de candidatures syndicales lors de certaines consultations ou à travers la montée de l’abstention, singulièrement lors des élections prud’homales : plus de 65 % d’abstentionnistes en 1997. Enfin, sur un plan sociologique, la population syndiquée – majoritairement masculine, de plus en plus âgée, concentrée dans quelques branches d’activité, notamment dans le secteur public – se révèle assez peu représentative des réalités contemporaines du monde du travail.

Les interprétations de ce déclin, nombreuses, privilégient le changement de contexte économique, social ou culturel. L’accent est mis sur les transformations de l’appareil productif, le chômage, la précarisation de l’emploi... La montée de l’individualisme, dévalorisant les engagements collectifs, est également invoquée. Mais ces explications ne sont-elles pas trop globalisantes et ne dédouanent-elles pas trop commodément les organisations syndicales ? Leur réexamen, proposé ici, interroge plus particulièrement la question de l’individualisme, en lien avec la crise de l’emploi, la redéfinition des identités au travail, la mise en cause de l’action collective : autant de phénomènes dont nous essaierons de mesurer l’impact sur le syndicalisme. Cette approche cependant ne doit pas oblitérer d’autres facteurs qui tiennent au contexte organisationnel français et aux logiques qui y sont à l’œuvre.

Individualisme, emploi et crise syndicale

Les bouleversements économiques et technologiques, la flexibilité du travail, ont induit un processus croissant d’individualisation des relations et des conditions de travail. Ce nouvel environnement a fait éclater le salariat et ruiné la notion de classe. Il a remis en cause le compromis fordiste, engendrant plus de précarité ainsi qu’un chômage de masse. Cette évolution apparaît a priori défavorable au syndicalisme et à l’action collective, auxquels aurait succédé le règne du « chacun pour soi ». La démonstration semble toutefois un peu rapide. En effet, le lien entre la syndicalisation et l’emploi – son volume comme d’ailleurs sa nature – est loin d’être mécanique. S’il y a moins de salariés dans une entreprise ou dans une branche d’activité, il est normal que le nombre de syndiqués recule en valeur absolue mais pas en valeur relative. Or, si depuis 1974 le chômage a augmenté, la population salariée s’est également accrue, tandis que la proportion de syndiqués a chuté fortement, le taux de syndicalisation passant de 25 % à quelque 5 à 9 % des salariés, selon les sources disponibles. De surcroît, le recul a été le plus spectaculaire dans les secteurs où les créations d’emplois ont été les plus nombreuses, dans les services marchands et non marchands. La précarité ne paraît pas constituer non plus un facteur suffisant. Le mode d’organisation interne de l’entreprise compte tout autant que sa santé économique rappelle, par exemple, Serge Paugam dans un livre récent 1La confrontation de données sectorielles sur l’emploi et sur la syndicalisation suggère en réalité que celle-ci dépend plutôt du statut – privé ou public – des salariés et des pratiques syndicales. Sans céder à l’historicisme, mais en renversant la problématique, il convient de rappeler enfin que la « ruée syndicale » de 1936 – qui n’est pas intervenue dans un contexte particulièrement favorable à l’emploi – doit s’interpréter d’abord, selon Antoine Prost, par l’évolution des mentalités, en lien avec le « climat d’une époque », une « poussée révolutionnaire », mais aussi un renouvellement générationnel et à son choix de l’unité syndicale 2. Ces différents arguments indiquent que le cadre strictement économique ne jouerait pas un rôle déterminant dans les évolutions syndicales, même s’il ne s’agit pas pour autant de le négliger.

L’individualisme doit être considéré également comme un facteur idéologique à proprement parler. Cette approche se retrouve dans le discours syndical. Ainsi, la Cgt ne manque pas de lier les mutations de l’emploi et « la pression idéologique dominante [qui] a contribué au développement de l’individualisme » (Le Peuple, 4 janvier 1996). C’est en quelque sorte perpétuer un déterminisme combinant des éléments tenant à l’infrastructure et à la superstructure dans une relation dialectique. L’analyse de la Cfdt se veut moins systématique. Elle n’en déplore pas moins un « individualisme ancien », spécifique à l’histoire sociale française et rejeté au même titre que le « corporatisme », l’extrémisme politique, que traduit la montée du Front national, tous comportements destructeurs du lien social, à l’opposé du syndicalisme (Syndicalisme Hebdo, avril 1995 et janvier 1999).

Mais, là encore, la démonstration s’enferme dans un certain schématisme, sinon dans des contradictions, car, tout en condamnant l’individualisme, les syndicats affichent parallèlement un dessein d’émancipation ou d’épanouissement des individus. Lors de son congrès de 1999, la Cgt insistait sur le « respect des individualités », sur l’exigence « de ne pas opposer l’individu au collectif, le moi au nous » (Le Peuple, 5 mars 1999).

Le regain d’individualisme trouve d’ailleurs à s’investir dans de nouvelles formes d’engagement : il « se déploie [...] dans la coopération librement consentie, car les relations sociales, aujourd’hui plus choisies que subies, sont recherchées et valorisées et le cadre qui peut les organiser avec souplesse n’est pas rejeté s’il ne contraint pas trop fortement » observent Olivier Galland et Yannick Lemel 3. De même, Jacques Ion a montré, parallèlement au déclin des organisations « omnibus », obéissant à un modèle communautaire, valorisant de larges solidarités, et héritées de la société industrielle – tels les partis politiques ou les syndicats –, l’affirmation d’un nouveau militantisme, plus ciblé, plus pratique, plus contractuel 4. Un processus d’individuation permet de régénérer l’engagement qui, lui-même, se diversifie et se spécialise.

Individualisme et crise des identités

L’individualisme apparaît aussi comme le symptôme de la crise des identités. Il produit une société atomisée, qui ne serait plus que l’addition d’individus sans repères, démunis, isolés... Cet « individualisme hors le monde 5 » se traduit, sur le plan professionnel, par l’éclatement des identités collectives forgées autour des métiers, des entreprises, voire des classes sociales. Ainsi, comme l’écrit Claude Dubar, « une certaine manière collective de pratiquer son métier, de s’organiser et de se définir à partir de lui, de structurer toute sa vie autour de lui, semble s’être effondrée 6 ». Or le syndicalisme a prospéré à la faveur d’identités professionnelles caractéristiques et de l’esprit communautaire ou fusionnel qu’elles maintenaient.

Pourtant, ce contexte culturel autour du travail ne saurait s’envisager seulement comme un donné. Le syndicat était (et demeure ?) un acteur de sa construction. Dans une enquête récente, Christian Dufour et Adelheid Hege lient précisément la capacité représentative des syndicats à celle qu’ils déploient pour assurer « la présence au sein de la communauté salariée de groupes noyaux identitaires [...], porteurs de la mémoire collective, gardiens des valeurs ». Les « performances représentatives » du syndicat dépendent d’une « construction identitaire » des intérêts. La corrélation entre la crise des identités collectives, l’individualisme et le déclin syndical ne présente pas de caractère fataliste. D’ailleurs, la participation syndicale des salariés ne semble pas dépendre d’un environnement social nécessairement favorable ou idéal. Distinguant différents types d’intégration professionnelle, Serge Paugam a observé que ce niveau de participation est plus élevé, non pas lorsque l’intégration des salariés est « assurée » (satisfaction dans le travail et stabilité de l’emploi), mais là où elle est « laborieuse » (insatisfaction dans le travail) ou même « disqualifiante » (insatisfaction et instabilité de l’emploi) 7. Dans cette dernière hypothèse, toutefois, cela ne va pas sans une certaine déception à l’égard des syndicats. Il est important finalement de tenir compte et des effets de contexte et des comportements des acteurs individuels et collectifs : la crise des identités peut aussi engendrer une recomposition syndicale ou l’action collective.

D’une certaine manière, l’histoire et le succès relatif des syndicats Sud, du Groupe des dix ou de l’Unsa témoignent de la part de ces organisations d’un réancrage identitaire, d’une valorisation habile d’un « individualisme professionnel » sinon d’un corporatisme, dans leurs champs d’implantation respectifs, marqués par la déréglementation, une redéfinition des règles du dialogue collectif, une remise en cause des services publics et une ouverture au marché. Tous ces aspects générateurs de brouillage des repères traditionnels et d’incertitude pour les salariés ont conduit, dans ces cas d’espèce, à une reconfiguration du paysage syndical et, précisément, à une redynamisation du syndicalisme « radical » ou autonome. Le Groupe des dix tend même à inventer une nouvelle pratique : l’action « mouvementiste ». Le rejet du syndicalisme coopératif se double du projet de « construire un pôle social alternatif » en relation avec de nombreuses associations (droits de l’homme, lutte contre le chômage, féminisme, rejet du FN...) 8.

Parallèlement, de nouvelles identités professionnelles se sont affirmées lors de conflits concernant des secteurs jusque-là peu touchés par l’action collective : infirmières, assistantes sociales, chauffeurs-routiers... Ces mouvements ont souvent démarré par la mise en place de « coordinations » porteuses de ces nouvelles identités. Plus ou moins éphémères, ces structures ont ouvert de nouveaux cycles de syndicalisation. La fédération santé-sociaux de la Cfdt serait-elle devenue celle qui compte le plus d’adhérents au sein de cette centrale et son secrétaire général, François Chérèque, aurait-il succédé à Nicole Notat sans les mobilisations identitaires du tournant des années 80-90 ? De fait, la crise des identités et son lot d’individualisme négatif n’induisent pas nécessairement un phénomène de désyndicalisation.

On évoque encore l’individualisme des jeunes salariés, leur hédonisme, leur sentiment d’extériorité à l’égard du mouvement syndical, de son histoire, de ses valeurs, ce qui pose de surcroît un problème de relève des générations. Malgré tout, les jeunes semblent partager le même fonds de révolte que les salariés plus âgés et celui-ci s’exprime, ponctuellement, lors de conflits ou à travers certaines formes organisationnelles spontanées, basistes ou autonomes 9. Le mouvement des chômeurs de décembre 1997 démontre enfin que, là même où la mobilisation collective semblait hautement improbable, elle s’est pourtant produite : « Un passage de la résignation à la révolte – écrit Claude Dubar – qui permet de constater à quel point les formes d’action collective survivent à la “crise” et se renouvellent constamment 10. »

Il faudrait s’interroger encore sur les tentatives d’implantations professionnelles du FN après 1995. Il existe certains tabous sur le sujet mais le parti d’extrême-droite a commencé alors à mettre en place des structures syndicales – non reconnues par les tribunaux – et, surtout, à gagner des voix lors élections professionnelles dans divers secteurs du commerce et des services bien souvent en déshérence syndicale. Cette « rencontre » concernait en particulier les ouvriers qui travaillent dans le secteur tertiaire « dans des situations d’isolement et de précarité propices au développement d’un vote extrémiste 11 ». Pourquoi les syndicats représentatifs qui, localement, ont été tenus parfois en échec par des listes du FN, n’ont-ils pas été capables de relayer cette détresse ? La question nous ramène à celle qui apparaît centrale, celle de l’organisation syndicale.

La question des logiques organisationnelles

Est-ce l’individualisme du salariat qui explique le déclin syndical ou l’individualisme des syndicats ? L’interrogation paraîtra provocatrice, pourtant la division des organisations syndicales françaises, enfermées dans des logiques institutionnelles, n’est-elle pas préjudiciable à la syndicalisation ? Le syndicalisme qui était, il y a une trentaine d’années, l’une des « forces vives » apportant à une vie politique sclérosée des idées et des hommes, est plutôt perçu aujourd’hui comme un frein au renouvellement et au changement.

Différents traits illustrent cette situation. En premier lieu, la figure du militant syndical, salarié parmi les autres, a pratiquement disparu, comme plus largement les équipes qui entretenaient un syndicalisme vivant à la base, dans les ateliers ou les bureaux. Or ce militantisme de proximité, cet altruisme, ce dévouement étaient d’autant plus nécessaires que le syndicat vivait pour l’essentiel des cotisations de ses adhérents. Alors que les équipes se sont peu à peu effacées du lieu de travail, les rôles officiels conférés aux syndicats se sont renforcés et multipliés à travers tout une série d’institutions au sein de l’entreprise comme, plus largement, de l’organisation des pouvoirs publics et de la société : conseils économiques et sociaux, conseils de prud’hommes, sécurité sociale/administration du travail... D’où une professionnalisation de l’activité et de la représentation syndicales, d’où une multiplication des postes de permanents (alors même que, paradoxalement, le nombre des adhérents s’effondrait), d’où la perception d’aides, de subventions, d’indemnités nombreuses, de mises à disposition de personnels, rendant le recrutement de nouveaux adhérents moins important pour l’équilibre des recettes et des dépenses. En outre, les nouvelles tâches institutionnelles ont pu sembler plus nobles, ou moins ingrates, que la « rencontre » avec les salariés de base, dont la construction du soutien est exigeante, et auxquels il faut rendre des comptes. Ainsi a pu se creuser une certaine distance, doublée de méfiance réciproque, entre les salariés et les syndicats.

L’évolution des structures syndicales, la distribution du pouvoir interne ont renforcé cette césure. Il faut rappeler, avec Dominique Labbé, que « le déclin des cellules de base du syndicalisme vient plus fondamentalement de leur transformation progressive sur le modèle du syndicalisme général d’industrie qui veut que tous les salariés d’un établissement, ou d’une administration, appartiennent à un seul syndicat et à la même fédération, quel que soit leur statut professionnel 12 ». Ce modèle a abouti au rejet de tout syndicalisme catégoriel ou corporatiste, à la destruction des syndicats nationaux. Au cours de la dernière période, la fusion des fédérations Cfdt de la chimie et de l’énergie – laquelle couvrait pour l’essentiel Edf – illustre cette constitution de regroupements syndicaux à vocation générale, reflétant une vision « économiste », beaucoup moins que sociale ou simplement pragmatique, et accentuant, au passage, le rôle du centre, des appareils, vis-à-vis de la périphérie. Cette structuration a été imposée au moment où éclataient les cadres traditionnels du travail, où émergeaient de nouvelles professions, où reculaient les grands établissements, où les organisations tendaient à se décentraliser tandis que les individus revendiquaient plus d’autonomie. Ce contexte a vu une résurgence des identités professionnelles, le retour à un certain corporatisme, l’affirmation de « nouveaux mouvements sociaux », que les syndicats n’ont guère relayés. Or ils ne résistent paradoxalement que dans quelques bastions marqués par une culture identitaire forte : Edf, Sncf, La Poste, France-Télécom...

Enfin, la « politisation » a aggravé la défiance à l’égard des syndicats. Il ne s’agit plus tant de la subordination de l’action syndicale à des partis ou idéologies politiques – les centrales ont effectivement pris leurs distances –, mais de surenchères, de luttes fratricides, de compétitions pour le contrôle d’institutions : les principaux comités d’entreprise, les organismes de la protection sociale, les mandats divers. De même, les rivalités internes à chaque confédération, les ambitions, la concurrence des « chefs » semblent redoubler depuis le tournant idéologique des années 80. Ces querelles intestines ont toujours existé mais, aujourd’hui, elles sont d’autant plus visibles que le syndicalisme est nu. En outre, cette « politisation » absorbe beau-coup d’énergie militante, alors que le désert syndical et l’individualisme progressent.

En définitive, cette analyse de la crise des organisations et des pratiques syndicales s’insère assez bien dans l’approche sociologique, voire philosophique, plus globale de l’individualisme contemporain.

Individualisme et action collective

Comme l’énonce Louis Dumont, cette « idéologie qui valorise l’individu et néglige ou subordonne la totalité sociale » est caractéristique de la société occidentale moderne ; elle met au premier plan la liberté, l’égalité par opposition à l’interdépendance, à la hiérarchie propres aux sociétés traditionnelles 13. Mais cet individu autonome ne constitue pas pour autant un être a-social. Il vit en société, demeure soumis à des règles. L’individualisme ne fait donc pas voler en éclats les cadres sociaux. Mais, selon Emile Durkheim, il progresse nécessairement avec la complexité croissante de la division du travail 14. Pour autant, plus de différenciation ou d’autonomisation des individus ne produit pas moins de solidarité. Les dissemblances entre les individus renforcent leur complémentarité et « chacun dépend d’autant plus étroitement de la société ». Emile Durkheim parle en l’occurrence de « solidarité organique ». Il perçoit néanmoins une menace possible pour la cohésion sociale, et il importe d’autant plus que la solidarité soit fondée sur une morale collective. Sur le plan économique, cela le conduit à mettre l’accent sur l’organisation de « corporations » ou de « groupes professionnels ». Pour que les intérêts particuliers ne télescopent pas l’intérêt général, il préconise l’institution de « corporations nationales », conçues comme « une série de groupes secondaires [intercalés entre l’Etat et les particuliers] qui soient assez proches des individus pour les attirer fortement dans leur sphère d’action et les entraîner ainsi dans le torrent général de la vie sociale 15 ». Dans le contexte de la fin du xixe siècle, cette analyse légitime l’action syndicale. En termes plus actuels, cela signifie aussi que la recherche de « biens collectifs » ne doit pas s’envisager comme un pôle opposé à l’autonomie individuelle. Dans un ordre d’idées comparable, Jean Leca a développé que la dichotomie entre « l’individu privé, calculateur optimisant sur un marché [...] et l’individu, participant à une communauté de droits, égal aux autres, échangeant droits et obligations pour le bien public et investissant du loyalisme dans la cité » constitue en fin de compte « le ressort non logique des sociétés contemporaines 16 ».

Le déclin du syndicalisme ou, plus largement, de l’action collective ne peut donc pas être simplement rapporté à la montée de l’individualisme. Sans doute les possibilités de « défection », provoquée par une prise de conscience du coût ou de l’inefficacité relative de l’engagement, se sont-elles multipliées en lien avec la segmentation sociale et la reconfiguration du marché de l’emploi, l’élévation générale du niveau de formation, la concurrence entre organisations syndicales comme leur inadaptation à ce nouveau contexte. On pourrait formuler aussi l’hypothèse d’une généralisation du comportement de free rider pour faire allusion au paradoxe d’Olson 17. Mais, depuis Les temps modernes, l’individualisme du citoyen n’est-il pas la donnée fondamentale de toute société ?

L’individualisme n’est pas étranger au déclin du syndicalisme, entendu dans sa version d’organisation de masse, caractéristique d’une époque qui a vu l’éclosion et le développement du « mouvement ouvrier ». Mais son impact n’est pas nécessairement négatif et la crise syndicale française obéit aussi à des spécificités. Nulle part ailleurs, dans les pays occidentaux, le recul de la syndicalisation n’a été aussi important. Il ne faut donc pas négliger d’autres facteurs du déclin, endogènes aux organisations : extinction du militantisme, principe industriel, politisation. Le modèle confédéral actuel est-il adapté aux revendications en termes d’identité, d’autonomie, de participation, qui constituent autant de dimensions de l’individualisme contemporain ?



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1 / Serge Paugam, Le salarié de la précarité, Puf, 2000, p. 273.

2 / Antoine Prost, La CGT à l’époque du Front populaire, Armand Colin, 1964, p. 163.

3 / Olivier Galland, Yannick. Lemel (dir.), La nouvelle société française, Armand Colin, 1998, p. 278.

4 / Jacques Ion, La fin des militants ?, éd. de l’Atelier, 1997.

5 / Louis Dumont, Essais sur l’individualisme, Seuil, 1983, p. 264.

6 / Claude Dubar, La crise des identités, Puf, 2000, p. 116.

7 / Serge Paugam, op. cit., pp. 273-275.

8 / Jean-Michel Denis, Le Groupe des dix, un modèle alternatif ?, La Documentation française, 2001, p. 143 et suiv.

9 / Voir S. Beaud, M. Pialoux, Retour sur la condition ouvrière, Fayard, 1999, p. 355 et suiv.

10 / Claude Dubar, op. cit., p. 121.

11 / Nonna Mayer, Ces Français qui votent FN, Flammarion, 1999, p. 94. Voir aussi Pascal Perrineau (dir.), Les croisés de la société fermée, éd. de l’Aube, 2001.

12 / Dominique Labbé, Syndicats et syndiqués en France, L’Harmattan, 1996, pp. 92-93.

13 / Louis Dumont, op. cit., p. 68 et 264.

14 / Emile Durkheim, De la division du travail social, Puf, 1998 (1re édition en 1893), p. 101.

15 / Préface à la seconde édition du livre de E. Durkheim, op. cit., p. XXXIII.

16 / Pierre Birnbaum, Jean Leca (dir.), Sur l’individualisme, Presses de la Fnsp, 1991, p. 207.

17 / Voir Mancur Olson, Logique de l’action collective, Puf, 1978.


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1 réactions pour « Syndicalisme et individualisme »

Alain Astouric
16 August 2014

A force d'inciter à l'individualisme beaucoup de dirigeants ont fini par briser toute motivation et toute fidélité à l'entreprise. Plus question de donner du sens ; de communiquer utilement ; d'associer aux décisions ; de déléguer vraiment ; de respecter la parole donnée. Plus question de valoriser, encourager, remercier ... En conséquence les cadres "papillonnent" et tentent de "faire carrière" aussi vite que possible, avant d'être vieux (à 45 ans !).
Pourtant, La Conduite des hommes s'apprend et pourrait résoudre bien des problèmes : "Encadrer une équipe", éditions Chronique Sociale (livre 160 p.).

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