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Dossier : Les religions dans la cité

Expériences religieuses de jeunes

©lindsayshaver/Flickr/CC
©lindsayshaver/Flickr/CC
Resumé L'expérience collective des jeunes, chrétiens ou musulmans, contribue souvent à leur socialisation : un rassemblement religieux fait pour les uns l’effet d’une «bonne nouvelle» et mieux connaître le Coran peut donner aux autres l’autonomie intellectuelle et spirituelle…

Une aumônerie de lycée

Dans le cadre de l'aumônerie et de la Joc (Jeunesse ouvrière chrétienne), à Cergy, je rencontre une soixantaine de jeunes de 15 à 19 ans de différents milieux sociaux (certains sont de type "classes moyennes", d'autres de milieux populaires) et d’origines géographiques diverses (Antilles, Afrique, Asie, France métropolitaine). Nous sommes témoins de leurs itinéraires, de leurs aspirations, de leurs difficultés. Au-delà des différences de couleur de peau et de milieu, les mêmes questions reviennent chez la plupart : "Vais-je pouvoir trouver ma place ?" "Sur quoi, sur qui puis-je vraiment compter pour avancer dans la vie ?" "Quels chemins sont prometteurs ?" "Peut-on peut croire à l'amour ?" "Que peut-on faire face à ce qui abime l'homme ?" Naturellement, toutes ces interrogations se monnaient différemment selon les situations.

Trois cas de figure

Pour ceux qui, au moment où se décident les premières orientations, sont aiguillés vers les filières les moins reluisantes, la question "y a-t-il une place pour moi ?" se pose très vite de façon angoissante. Ils sentent une menace planer sur eux : vont-ils être rangés parmi ceux qui "ont la honte" ? Parfois, ils se débattent dans tous les sens, oscillant entre des engagements forcenés (par exemple, le sport, le rap, ou le hip hop, pour devenir une star) et le décrochage (ils laissent tomber l'école, de peur d'y être humiliés). Ces jeunes, très attachants lorsqu'on les connaît un peu, ont souvent un comportement difficile, notamment en groupe: ils ont du mal à sortir du jeu de la provocation et de la frime.

Travailler avec eux se révèle peu confortable. Ces jeunes se rendent insaisissables ou, au contraire, ils sont très demandeurs mais par à coups. La question de Dieu, quand ils la posent, apparaît souvent sous la forme : y a-t-il un destin qui pèse sur moi ? Comment faire pour qu'il tourne à mon profit ? Et il n'est donc pas facile de trouver des personnes prêtes à les accompagner. Pourtant, lorsque cette rencontre est possible, ils peuvent prendre confiance en eux, et on les voit grandir.

D'autres jeunes de milieux populaires forment un deuxième groupe : ils se trouvent au contraire sur des parcours de réussite. Portés par cette phase d'ascension, ils sont pleins d'énergie, ils débordent de projets. Souvent, leur problème est d'être tiraillés entre mille propositions et de multiples centres d'intérêts parmi lesquels ils ont du mal à choisir, d'autant que, pour la plupart, ils sont très seuls pour s'orienter. Ils risquent d'attraper le vertige. Ils sont aussi demandeurs d'une relation vivante et heureuse avec Dieu, mais là aussi, il leur arrive de se montrer sensibles à toutes sortes de sirènes.

Les jeunes de classes moyennes, de leur côté (c’est un troisième groupe), sont en général situés dans les bonnes filières. Ils ont moins de soucis d'avenir. Par rapport à la foi, leur question serait plutôt: "Est-ce que tout ça, Dieu, l'Eglise, Jésus, ce sont des histoires, ou est-ce qu'on peut vraiment y croire ?" Lorsqu’ils trouvent dans leur expérience des éléments pour répondre "oui" à cette question, ils sont capables de s'engager activement dans l’Eglise, notamment parce qu'ils ont, grâce à leurs parents, une certaine culture de l'engagement paroissial.

Un couvercle pesant

A l'aumônerie, nous souhaitons que tous ces jeunes découvrent le visage d'un Dieu présent à leur histoire, qui les appelle à grandir et prend soin d’eux. Et cette expérience est inséparable de ce qui se passera entre eux, de la liberté qu'ils pourront trouver pour se parler, s'écouter, se respecter, se rencontrer, se reconnaître capables de réussir quelque chose ensemble. J'éprouve souvent l'impression que ce dernier point est problématique. Comme si un couvercle pesait sur les jeunes, les empêchant de lever la tête pour oser se lancer, dépasser les barrières, prendre une initiative. Comme un handicap qui plombe la vie des lycées et des quartiers. Pour expliquer cette sorte de pesanteur, on peut, je crois, évoquer la conjonction de trois éléments :

- Une culture de la consommation bien intégrée par les jeunes : la réussite passe par la satisfaction de besoins individuels, compromet l'élaboration de projets collectifs et grève toute visée d'avenir un peu audacieuse et coûteuse.

- La multiplication des sollicitations, des possibilités de communication sur le mode d’une connexion immédiate, qui rend plus ardu l'effort de l'écoute et le détour par la compréhension de l'autre.

- Une atmosphère marquée par une insécurité (au sens large, de rapports marqués par une certaine forme de brutalité). Toute personne qui lève la tête risque de se sentir aussitôt prise dans une ligne de mire : rares sont ceux qui ont cette liberté et peuvent se risquer à s'exposer.

Tous ces facteurs pèsent. Ils rendent plus laborieuse l'émergence de sujets, de jeunes capables d'une parole personnelle, capables de se décider, d'engager des choses, de bâtir des projets avec d'autres.

La brèche d’une promesse

Peu à peu, au fur et à mesure que ces jeunes grandissent (et ceci est valable pour les trois groupes), nous voyons à l'aumônerie comment la question de la foi se précise pour eux. Au départ, à treize, quatorze, quinze ans, ils ne savent pas bien eux-mêmes ce à quoi ils croient. Et puis, au fil du temps, ils se décident. En général, les temps forts auxquels ils participent, où ils se retrouvent à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers, sont des moments déterminants. On peut s'interroger sur ce phénomène. Il me semble que de tels rassemblements représentent pour eux comme une ouverture sur un extraordinaire, sur quelque chose d'autre, qui s’avère très fort, très heureux, et où ils reconnaissent leurs aspirations les plus profondes. Tout se passe comme si ces moments libéraient une échappée sur un autre horizon auquel ils aspirent. Si cela est vrai, il faut noter que le religieux actuel se structure exactement à l'opposé des formes qui ont prévalu durant des siècles : un religieux qui encadrait la vie et la société, leur assurait stabilité et sécurité. Ici, le religieux fonctionne comme une brèche qui fait voir d'autres possibles.

Ces autres possibles concernent aussi la dimension sociale de l'existence. Un rassemblement fait pour eux l'effet d’une promesse parce qu'ils y vivent des relations selon un autre mode : non plus celui de la méfiance mais celui de la confiance, pour le dire en une formule brève. Sur ces lieux, ils ont entendu quelque chose qui leur a parlé et qui a résonné, en effet, comme une bonne nouvelle.

Mais cette promesse n'acquiert pour eux une consistance que si elle est reprise par la suite. Sinon, elle rejoindra les zones indéterminées des choses dont on ne sait plus si on les a rêvées, ou si elles ont une réalité. Donner consistance à ce type de promesse, c'est ce que nous essayons de faire tout au long de l'année. Dans la vie d'une aumônerie, l'ambiance de l'équipe est un élément décisif. Les jeunes le disent aussi : l'aumônerie est un lieu où l'on peut parler de choses dont on ne parle pas ailleurs. Les thèmes d’échange sont assez ouverts : la famille, la présence de Dieu dans leur vie, la découverte des autres religions, le pardon, la solidarité, la traversée de la violence, etc. De fait, ils peuvent risquer une expression personnelle, partager des choses importantes pour eux, entendre d’autres le faire. Ils s'aventurent à parler du sens de ce qu'ils vivent. Et ils entendent des récits (par exemple bibliques) qui, d'une manière ou d'une autre, se prononcent sur la réalité ultime. Alors je crois que, peu à peu, leurs propres récits, leurs propres questions se tissent avec ceux qu'ils entendent résonner dans la Bible. Ainsi, la Parole de Dieu peut prendre du sens pour eux, non pas comme une loi qui énonce ce qui est bien et ce qui est mal, mais là aussi, comme une promesse : un chemin existe, où un vrai bonheur se partage.

Un effet social

Cette expérience n'est pas strictement religieuse. Elle offre à un jeune, au fil du temps, d'accéder à une expression personnelle. Elle ne lui donne pas immédiatement une parole sûre, comme pourrait le faire l'affichage clair et net d’une identité. Ce ne serait pas sa propre parole, mais plutôt des slogans mis dans sa bouche pour qu'il les répète. Le travail qui se produit dans une aumônerie lui donne une parole hésitante, mais elle est sa parole, et donc lui permet de se projeter dans l'existence, parce qu'elle ouvre des horizons où il pourra tracer son propre chemin.

L'aumônerie a un autre effet social, très simple : à travers l'écoute des autres, les jeunes se rendent compte de l'épaisseur d'humanité que chacun a en héritage. Une équipe d'aumônerie donne aussi à un jeune d'entrer davantage dans la réalité des relations humaines: il voit d'autres lui résister, il entend quelqu'un se confier, il exprime lui-même ses aspirations, ses déceptions, parfois sa souffrance, il partage de la joie, il vibre à ce qui est beau, etc. A travers tout cela, il apprend à reconnaître des différences entre jeunes, à mesurer qu’il est autrement plus difficile de vivre celles-ci dans la réalité et pas seulement au niveau des convictions. Si l'aumônerie a un effet social, c'est d'abord à ce niveau primaire, peu visible.

Cet effet acquiert davantage de force et de visibilité quand le jeune participe à un mouvement dans lequel il exerce une responsabilité plus importante (au scoutisme, à la Joc). Il est alors amené à ressentir pour lui-même la structuration d'un "devenir acteur". On voit ainsi des jeunes se transformer profondément. Car ils expérimentent en plus combien un engagement aura une efficacité pratique mesurable : "On en a parlé, on a réfléchi, on a entendu quelque chose de la Parole de Dieu, on a essayé de faire quelque chose, on n'est pas arrivé tout à fait à ce qu'on voulait, mais on a fait bouger quelque chose". Comme s’ils avaient vu clairement qu'un chemin pouvait s'ouvrir grâce à leur propre énergie; ceci est particulièrement fort pour un jeune de milieu populaire.

Les jeunes, dans la tranche d'âge que je rencontre, ont besoin de voir des perspectives s'ouvrir, de trouver leur place dans un monde qui ne soit pas un chaos, où l'on puisse construire avec d'autres. Un itinéraire de foi, de par sa dimension communautaire, est susceptible d’y apporter une contribution précieuse.

Etienne Grieu

Un centre culturel musulman

Situé dans la ville de Saint Denis, le centre culturel Tawhid (Tawhid veut dire unicité) a pour vocation de mettre à la portée de tous ceux qui le désirent la connaissance de l'islam et des musulmans. Il accueille des personnes venant de toute la région parisienne. Fonctionnant d'une manière autonome, il ne perçoit pas de subventions des pouvoirs publics.

Un centre créé par des jeunes

A l’origine, en 1998, un groupe de jeunes musulmans se sont proposé d’ouvrir un lieu de vente de livres sur l’islam en langue française. Mais, très vite, d'autres activités y ont été développées : bibliothèque, salle de prière, salle de rencontres et de cours... Cette création est d’abord l’expression d'une volonté de communiquer en dehors de la communauté musulmane, d'avoir une parole publique dans les débats , en particulier celui sur l'islam en France. Car les jeunes musulmans occupent une place originale dans le paysage français. Leur présence interpelle tous les acteurs de la société. A travers leur engagement, ils se forment, construisent, se socialisent.

Le Centre, en effet, accueille pour l’essentiel un public jeune, entre vingt et trente cinq ans. Ces jeunes filles et garçons participent aussi bien aux offices rituels qu'aux activités proposées dans le Centre. Cela va des rencontres personnalisées, individuelles, à des manifestations publiques qui rassemblent jusqu'à 1500 personnes. Sans prétendre répondre à tous les besoins que peuvent ressentir une jeune fille ou un jeune homme, notre principal souci est d’être à leur écoute. Ainsi le dialogue informel est très privilégié. L'enseignement proposé tient compte des difficultés vécues par chacun. L'adaptation et le respect du rythme des cheminements sont des éléments importants dans l'accompagnement. Le lieu se prête à la spontanéité des rencontres, puisqu'il est ouvert à tous les publics (librairie et bibliothèque).

Accompagner leurs parcours

L'espace, le temps et la relation adaptée sont des paramètres importants pour réussir  cet accompagnement de jeunes dans leur quête spirituelle. Du questionnement spirituel aux difficultés de la vie. les interrogations sont personnelles ou collectives. A chacun de choisir le cadre dans lequel il veut inscrire sa relation avec les animateurs du Centre. Au-delà de la diversité des parcours, certaines problématiques émergent : la recherche d’un accompagnement dans son cheminement;  le souci de parfaire ses connaissances religieuses; la relation aux parents (pratiquants ou pas); la relation avec différents acteurs adultes (école, travail, pouvoirs publics, la société civile…); la responsabilité dans la société.

Avec le temps (des mois ou des années), des évolutions sont manifestes : une plus grande assurance, une plus grande ouverture, ou encore une meilleure image de soi... Tout ce que le processus de socialisation au sein d'un groupe peut développer comme attitudes positives, pour soi et pour les autres.

La première recherche est celle d'un accompagnement ? Je distinguerai, ici, deux types de cheminements . Pour les uns, c’est la connaissance des règles qui est primordiale pour mieux vivre la relation à Dieu. Pour les autres, la priorité est la connaissance de la Source (de Dieu).

L'exigence dans la pratique, la préoccupation de l'authenticité du savoir transmis sont dominants dans le premier cheminement. L'intensité de la relation à Dieu au moment des offices ou lors des instants de méditation (invocations ou évocations) est recherchée par les autres avec une exigence d'authenticité.

Dans tous les cas, leurs questions tournent souvent autour de la responsabilité de chacun devant le divin : l'histoire du messager, les orientations du message de l’islam, comment vivre au quotidien cette relation avec Dieu et le messager, comment pourvoir faire vibrer son cœur au son des invocations et au rythme des lectures du Coran et de la vie du Prophète. Les questionnements en rapport avec l'évolution de la foi, ce que le cœur ressent, les sensations vécues, les témoignages d'une foi au quotidien… : autant d'interrogations et de réflexions que ces jeunes cherchent à partager en nous interpellant dans le Centre. La communication se fait accompagnement.

Une autre demande est celle de parfaire ses connaissances religieuses. L’acquisition de connaissances leur apportera une autonomie spirituelle et intellectuelle. Leur besoin n'est plus ici de trouver un accompagnement mais celui d’une transmission d'outils et d'expériences. Des séances organisées sous forme d'enseignement sont proposées pour donner une connaissance approfondie de l'histoire du Prophète, une plus grande familiarité avec le Coran et parfois une meilleure maîtrise de la langue arabe.

Naturellement, l’enseignement n’exclut pas le débat et l’échange. La contextualisation est fondamentale pour permettre un éveil de la conscience et non pas un enfermement de la pensée, pour garder l'esprit critique, qui a animé l'histoire de l’islam à ses débuts. Il s’agit de valoriser leur héritage culturel alors que dans l’imaginaire collectif de nos sociétés, l’islam est synonyme de fatalisme, endoctrinement, violence... C'est dans un cadre très scolaire que se concrétise cette acquisition du Savoir.

Les questions posées par la relation aux parents occupent également une place importante. Pour ces derniers, les images véhiculées dans les médias sur l'islam sont troublantes : la diabolisation des barbus, des femmes voilées, les images de violence (terrorisme ou guerre)... Les parents vivent dans la crainte de voir les enfants ressembler à ce que suggèrent de telles images. Notre souci est d'être à l'écoute de ces jeunes dans la gestion de leurs relations avec leurs proches :un parent, (mère, père, frère, sœur, mari, épouse...) qui souvent ne pratique pas et avec qui les relations se dégradent lorsque le jeune  manifeste le désir de développer une pratique plus intense, une spiritualité plus profonde. Du dialogue difficile à la rupture, comment aider à rétablir une relation pour une vie familiale plus apaisée ? Il s’agit là d’un passage presque obligé pour beaucoup de jeunes qui débutent dans leurs cheminements spirituels.

Quant aux problèmes relationnels avec les parents pratiquants, ils concernent des jeunes qui essaient de vivre un islam dépouillé des éléments culturels du pays d'origine. Cette expérience est parfois difficile à vivre seul :une écoute permettra de mieux comprendre la situation, et de trouver les solutions pour en sortir de la manière la moins douloureuse.

Notre centre a aussi la lourde charge d'être souvent sollicité par les jeunes pour des problèmes de relations avec la société. Cela va des jeunes filles exclues pour leurs foulards jusqu’à ceux et celles qui rencontrent des difficultés dans le cadre professionnel. Il nous arrive de recevoir des responsables associatifs (jeunes ou moins jeunes) qui nous demandent des conseils dans leurs relations avec les pouvoirs publics. Comprendre l'environnement (les institutions politiques, sociales...) devient une priorité pour organiser un engagement collectif. Nous cherchons à les conseiller pour créer une association, pour organiser une action, pour gérer un conflit institutionnel.

Enfin, de plus en plus de jeunes, à un moment de leur cheminement, veulent vivre une foi engagée. Ils se préoccupent de leur responsabilité dans une société qu'ils considèrent comme la leur mais dont ils se sentent parfois exclus. Ils appréhendent le débat.

La demande est parfois très forte sur leur responsabilité de jeunes musulmans dans leur quartier, dans leur ville, dans leur travail, dans leur université. Autant d'espaces qu'ils peinent parfois à investir. Par la rencontre avec d'autres jeunes issus des mêmes conditions sociales, ou ayant vécu des histoires communes, ils trouvent des débuts de réponse. Comment éveiller leur esprit critique afin qu’ils évoluent en toute indépendance, comment développer une conscience citoyenne…? Le Centre leur offre un lieu d'échanges.

Une foi qui intègre l’autre

Ces diverses orientations de notre projet révèlent bien des situations délicates, difficiles, douloureuses parfois, mais ô combien enrichissantes. La qualité de l'encadrement est d’autant plus nécessaire, aussi bien sur le plan religieux que psychologique, social... Il s’agit d’un public à la fois fragile, et particulièrement curieux et exigeant.

La vie spirituelle permet à ces jeunes d'intégrer des valeurs et des principes qui les enracinent dans la voie de la maturité et de la responsabilisation. La découverte de la richesse et la pluralité de leur environnement les amène à se poser très tôt la question du Sens et à gérer des situations très lourdes pour leur âge. La foi les soutient. La relation à Dieu devient pensée et s’approfondit au rythme de l'évolution du cœur et de l'esprit. A la découverte de la référence religieuse, le jeune prend conscience de l’existence de modèles (les prophètes, le prophète de l'islam et ses compagnons...) qui le renvoient à sa propre existence pour se poser autrement par rapport au monde et donc par rapport à sa vie. Sa souffrance  même devient une richesse spirituelle.

Comment un jeune doit-il (ou elle) vivre cette expérience à la lumière de la référence ? Vit-il le même chemin en s’approchant de Dieu ? Est-il en mesure de vivre sa foi dans la complexité de son monde ? Des réponses s'esquissent et varient selon l'âge, l'histoire, le niveau intellectuel et culturel, la condition sociale. La décision de vivre sa foi à son rythme, si elle est une difficulté supplémentaire à assumer, donne sens à sa vie. Le monde devient une épreuve pour vivre sa foi.

Le regard dans la rue, dans le travail, à l’école et parfois même à la maison peut devenir une douleur difficile à surmonter dans la solitude. Les obstacles rencontrés dans le cheminement spirituel et social nécessitent un accompagnement pour que le jeune sorte de ce conflit. Gérer une contextualisation des textes sacrés se fait alors en paix avec son cœur et sa conscience. Ceci se traduit par une quête permanente du Savoir (le divin et le mondain) : une dynamique personnelle et collective alimente ainsi un débat permanent.

La foi chemine selon les expériences : d'une foi contre l'autre à une foi qui intègre l’autre. Cet autre peut être musulman ou non. L'histoire de chacune et de chacun d'eux devient alors particulière. Ainsi la socialisation se renforce à la jonction de tous ces paramètres.  Dans le Centre, la configuration et la nature de l’espace, l'organisation des actions privilégient l'accueil du jeune qui aura fait son premier pas. Notre relation ne peut commencer  en deçà et ne peut aller au-delà d'un accompagnement dans un esprit critique. Il s'agit toujours d'un cheminement personnel.

Fouad Imarraine


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