Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site
Dossier : La santé, l'expert et le patient

La santé, l'expert et le patient (introduction)


L’Oms décernait récemment à la France le prix des meilleurs soins de santé ! « Le bien-être des populations dans le monde dépend étroitement de leur système de santé », soulignait Mme Bruntland, la directrice générale de l’Oms. Les experts jugent qu’un équilibre a été atteint, malgré des inquiétudes pour l’avenir, avec une ouverture plus large de soins, avec une assurance universelle, avec une liberté de choix pour se soigner... Pourtant, sur chacun de ces points, l’équilibre se révèle aujourd’hui bien fragile. Le droit à la santé correspond-il à une consommation indéfinie ? La prise en charge par une assurance universelle va-t-elle se rétrécir et ne rencontre-t-elle pas des exigences nouvelles de gestion ? L’accès aux soins dépend-il de procédures administratives ou va-t-il au-devant de besoins qui ne savent pas s’exprimer ? On peine à organiser une réponse qui soit celle d’une « santé de masse », assistant à la croissance de la demande des usagers d’un « système », sans parvenir à définir clairement les priorités.

Ce dossier appelle à réfléchir à une politique de santé où les responsabilités soient davantage partagées. S’il est un domaine où les attentes ont été façonnées par les experts, c’est bien celui de la santé. La science biomédicale propose le modèle d’un corps machine que l’on saura réparer, indéfiniment. Les mesures de santé publique sont définies par les épidémiologistes et les spécialistes de la prévention, qui désignent quelles sont les conduites à risques. Les formes de régulation économique sont présentées dans la logique d’un rationnement inéluctable, mais elles peinent à permettre à la société de décider des choix qu’elle veut faire.

Les choix de demain seront-ils ceux de bénéficiaires, atomisés, en face de propositions, de modèles auxquels ils ont droit, auxquels ils cherchent à correspondre ? Ou ceux de sujets qui vivent la complexité de leurs conduites, de leur environnement, de leurs désirs et qui s’engagent dans une dynamique d’adaptation, personnelle et collective, aux tensions internes et externes qu’ils traversent ?

Le malade est le patient du système de soins : celui qui subit, qui reçoit. Dans les discours, certes, on l’invite à être acteur de sa santé. Mais n’est-ce pas souvent pour lui demander de se plier aux règles, aux normes curatives ou préventives définies pour lui, aux indications, aux ordonnances ?

La première partie s’interroge sur la manière dont sont entendues les demandes des patients. Si le modèle français s’est donné de formidables moyens pour répondre aux besoins les plus aigus, il tâtonne à promouvoir une santé dans le temps, à accompagner les besoins chroniques : ceux des personnes âgées, ceux de certains jeunes, ceux nés des modes de vie, des conditions sociales... Comment travailler avec des populations en situation de précarité (étymologiquement mises en position de « prière ») sur leurs résistances et les leviers dont elles disposent ? Comment ouvrir des enfants et des jeunes à une démarche de santé, au-delà de campagnes d’information ?

A travers ces exemples, dont on aurait pu allonger la liste, on perçoit les enjeux d’une promotion de la santé, qui ne saurait être seulement technique mais favorise une participation de tous à une réponse plus globale. Car l’œuvre de santé est à la fois un système (de soins et d’assurance) et un projet collectif à construire, une politique. Le système de soins peut être mieux régulé, plus adéquat. L’assurance peut être mieux organisée, plus efficace. Mais les articles de la deuxième partie y insistent tous : la véritable régulation, la meilleure efficacité sont au service d’un projet, non pas d’une consommation de soins. Ce projet de santé suppose des acteurs, des citoyens. Les conférences régionales de santé, le fonctionnement en réseau des dispositifs de santé, bien des pistes sont à explorer pour un meilleur dialogue de l’expert et du patient, dans l’élaboration d’une réponse de santé.

Les plus lus

Les Marocains dans le monde

En ce qui concerne les Marocains, peut-on parler de diaspora ?On assiste à une mondialisation de plus en plus importante de la migration marocaine. On compte plus de 1,8 million de Marocains inscrits dans des consulats à l’étranger. Ils résident tout d’abord dans les pays autrefois liés avec le Maroc par des accords de main-d’œuvre (la France, la Belgique, les Pays-Bas), mais désormais aussi, dans les pays pétroliers, dans les nouveaux pays d’immigration de la façade méditerranéenne (Italie et ...

L’homme et Dieu face à la violence dans la Bible

Faut-il expurger la Bible ou y lire l'histoire d'une Alliance qui ne passe pas à côté de la violence des hommes ? Les chrétiens sont souvent gênés par les pages violentes des deux Testaments de la Bible. Regardons la Bible telle qu’elle est : un livre à l’image de la vie, plein de contradictions et d’inconséquences, d’avancées et de reflux, plein de violence aussi, qui semble prendre un malin plaisir à multiplier les images de Dieu, sans craindre de le mêler à la violence des...

Aux origines du patriarcat

On entend parfois que le patriarcat serait né au Néolithique, près de 5 000 ans avant notre ère. Avant cela, les femmes auraient été libres et puissantes. Les données archéologiques mettent en doute cette théorie. De très nombreux auteurs, de ce siècle comme des précédents, attribuent la domination des hommes sur les femmes à l’essor de l’agriculture, lors du Néolithique. Cette idée est largement reprise dans les médias, qui p...

Du même dossier

Précarité et demandes de santé

Entre la reconnaissance d’un besoin de santé et le recours réel aux soins, entre la connaissance d’un risque et l’adoption de comportements favorables à la santé, se déploie, pour chaque individu, toute une trajectoire : celle-ci est fonction d’une histoire familiale, culturelle, et d’un contexte social, économique, environnemental. Ainsi, de nombreux décalages peuvent exister entre les attentes ou les perceptions des besoins de santé manifestées par les personnes elles-mêmes et les professionn...

Droit et santé

Qu’il soit permis de confronter, dans ces quelques lignes, droit et santé afin de tenter d’éclairer comment l’évolution du droit positif et de la jurisprudence nous renseigne sur le rapport que notre société entretient avec la santé. Deux éclairages différents seront ici retenus : le champ constitutionnel qui situe la portée du droit à la protection de la santé et le champ administratif illustré par la jurisprudence du Conseil d’Etat.Le domaine constitutionnelDans le champ constitutionnel, le d...

Y a-t-il un projet politique de santé ?

Entretien - Les priorités ne sont pas les mêmes à droite et à gauche de l’échiquier politique : l’égalité d’accès à des soins de qualité, dans la perspective d’une prise en charge globale, est le souci de Claude Evin. Pour Jean-Luc Préel, il faut d’abord mettre fin aux rigidités (étatisation, cloisonnements…) tout en évitant la privatisation. Projet - Sur quoi repose notre système de santé ? Est-il le résultat de choix politiques suivis ?Claude Evin - Le système français de santé n’a jamais été ...

Du même auteur

Mémoire vive d'une zone industrielle

Jean-Jacques Clément habite La Plaine, à Saint-Denis, un ancien secteur industriel en pleine métamorphose. Pour veiller à la mémoire de son quartier, il a choisi de le raconter. La rédaction de la Revue Projet se situe à La Plaine Saint-Denis. Vous êtes sans doute l’un des personnages que l’on croise le plus souvent dans le quartier…Je suis à La Plaine depuis l’an 2000. Et effectivement, je suis devenu un personnage un peu, parce que je circule beaucoup. C’est ...

Entendre la parole des victimes

Les victimes ont brisé le silence. Mais les écoutons-nous vraiment ? Au-delà de la plainte, c’est à un dialogue qu’elles nous invitent, pour renouer les liens que le traumatisme a rompus. Longtemps les victimes n’avaient pas la parole. On ne cherchait pas à les entendre ou elles ne parvenaient pas à s’exprimer. « Hosties » fut, en français, le premier mot pour les désigner : créatures offertes au destin, elles étaient silencieuses. Celui qui avait la parole, c’était le héros qui rétablissait la ...

Autonomie et solidarité

Autonomie, dépendance? Deux mots, à l’opposé l’un de l’autre, pour parler des enjeux autour de la vulnérabilité des personnes âgées! « Autonomie » parle de la dignité des personnes, « dépendance » de solidarité reconnue, acceptée. Les deux mots ne sont pas sans ambiguïté : l’autonomie comme exigence, où la vulnérabilité et les frustrations sont vécues comme un échec; la dépendance comme passivité et infantilisation…Notre espérance de vie à tous s’est heureusement allongée. Un temps libre pour s...

Vous devez être connecté pour commenter cet article
Aucun commentaire, soyez le premier à réagir !
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules