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Editorial


Paradoxes ! La loi Aubry sur la réduction du temps de travail a été dénoncée comme une violence exercée par le gouvernement sur les partenaires sociaux. Pourtant, jamais texte de loi n’a autant valorisé la dimension conventionnelle : qu’il s’agisse des aides, de l’annualisation, des forfaits pour les cadres, etc., les incitations à la négociation sont omniprésentes. D’ailleurs, plus de 100 accords de branches avaient été conclus en moins d’un an, avant la deuxième loi. Le président du patronat, après avoir changé le nom de son organisation (du Cnpf au Medef) pour bien souligner le primat des entreprises, à la base, et après avoir critiqué toute politique contractuelle nationale, relance celle-ci de façon spectaculaire et invite les syndicats à ouvrir les chantiers d’une « refondation sociale », en toute indépendance face à l’Etat !

Notre pays a toujours eu du mal à articuler les deux niveaux : celui de la loi et celui de la convention. Les soupçons – « intrusion du politique »/ «dérives libérales » – demeurent très vifs. Quand Jacques Chirac souhaite inscrire la notion de « contrat social » dans la Constitution, Lionel Jospin rappelle la primauté de la loi, celle de l’intérêt général, exprimé par les dispositions de la souveraineté, sur les intérêts particuliers.

En dénonçant les empiètements de l’Etat, le Medef nourrit des arrière-pensées, rêvant d’un modèle anglo-saxon. Mais s’il a rencontré un certain écho chez les syndicats, c’est bien parce que l’invention d’un nouveau paritarisme est reconnue nécessaire. Le visage des relations sociales ne se déterminera pas seulement en arbitrant en fonction des rapports de forces au sein d’une majorité politique, mais par la reconnaissance d’une subsidiarité qui implique la participation des partenaires sociaux.

Les « conventions » ne sont pas de simples convenances, elles sont sources de droit. En France, l’originalité du processus des deux textes successifs sur la réduction du temps de travail était un compromis : le deuxième devait être la conclusion des accords signés à la suite du premier texte de loi. Leur respect a suscité des débats. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs censuré pour cela certaines lignes de la deuxième loi : le législateur ne peut priver d’effet « des clauses qui n’étaient pas contraires à des dispositions en vigueur lors de leur conclusion ». La démocratie sociale n’est pas seulement participation à une démocratie « d’en haut », mais mouvement de reconnaissance.

Il y a là une évolution nécessaire, si nous voulons sortir de la culture du conflit, si particulière à la France. A condition que les partenaires se reconnaissent eux-mêmes entre eux et qu’ils ne s’enferment pas dans des problèmes d’appareils. A condition que soit valorisée une véritable démocratie sociale, qui ne se réduit pas à l’échelon de l’entreprise, au risque de creuser le fossé entre secteurs pauvres et secteurs riches. L’Etat garde à son niveau tout son rôle. Des accords interprofessionnels, issus de la négociation, demandent pour être appliqués l’intervention du gouvernement, sinon du Parlement. Mais, en même temps, face à la complexité sociale et économique d’aujourd’hui, le caractère général des lois ne suffit pas.

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